Gouvernement renversé : le logement va-t-il s’en remettre ?
La censure du gouvernement a enterré le projet de loi de finances pour 2025, qui comportait des mesures phares pour le logement, à commencer par l'élargissement du prêt à taux zéro. Henry Buzy-Cazaux, président-fondateur de l'Institut du management des services immobiliers, déplore le retard que prendra la reprise du secteur. Tout en fondant un espoir dans le regard enfin approprié que la classe politique porte désormais sur la crise immobilière.
La ministre du logement et de la rénovation urbaine elle-même l’a dit : la motion de censure du gouvernement, qui interrompt le vote du budget pour 2025, est une catastrophe pour le logement. Comment celle qui a déployé tant d’efforts pour que le projet de loi de finances fasse une bonne place au logement pourrait-elle ne pas réagir ainsi? Elle mesurait, éclairée par les organisations professionnelles et les acteurs associatifs, l’urgence de soutenir la demande pour relancer l’activité et abonder l’offre en faveur des Français. Clairement, alors que le pays en est de nouveau réduit à avoir un gouvernement démissionnaire qui ne peut plus qu’expédier les affaires courantes, on sait désormais impossible qu’un budget nouveau soit voté. Nous allons continuer à vivre avec les règles du jeu qui prévalaient jusqu’alors, avec notamment un PTZ étriqué et sans maison individuelle, plus de Pinel et pas de dispositif de remplacement, des HLM avec des moyens rognés par la réduction du loyer de solidarité ou encore une enveloppe pour MaPrimeRenov reconduite sans majoration. Dans le même temps, les perspectives de résorption de notre déficit public s’éloignent : le budget 2025 actait 60 milliards d’économies, ce qui nous valait un regard bienveillant des autorités européennes et des marchés… L’inverse risque de s’opérer.
Alors que va-t-il se passer? Trois espoirs et un doute. Le doute porte sur la capacité de l’appareil de production à encaisser un retard de la relance au mieux de trois mois, si l’on mise sur le vote au début de 2025 d’une loi de finances rectificative de la loi de finances dite spéciale, reprenant purement et simplement celle de 2024, qui sera votée en hâte en cette fin d’année. Au mieux, les mesures qu’elle comporterait entreraient en vigueur au deuxième trimestre 2025, et plutôt au second semestre… Long pour des promoteurs et des constructeurs de maisons individuelles exsangues. Très long. Les ménages eux-mêmes, en attendant, vivront dans des conditions dégradées : on rappellera que la quasi totalité des recherches de logement sont gouvernées par des événements de la vie avec lesquels on ne transige pas, heureux ou malheureux. En clair, la situation économique et sociale du pays quant au logement va se dégrader encore, avec des conséquences sombres sur l’emploi, les rentrées fiscales associées à l’activité et sur le quotidien des Français. On peut aussi redouter que le moral des familles comme des entrepreneurs immobiliers ne soit affecté par le marasme politique, affaiblissant leurs capacités de résistance à l’adversité… La corde commence à être vraiment usée.
La classe politique porte enfin le regard qui convient sur le logement
Les espoirs, eux, si on ouvre les yeux sur eux, peuvent à l’inverse donner la force de passer la tempête. Les marchés financiers d’abord. Ils sont surprenants, et le prouvent. A ce jour, ce qui désespère l’opinion ne semble pas les inquiéter. Au contraire, ils voient que les hausses d’impôts et de taxes prévues dans le projet de budget pour 2025 et compromises, de nature à pénaliser les entreprises et à désolvabiliser les ménages, n’auront pas lieu, et ils s’en satisfont. Il vont sans doute aussi espérer dans le nouveau gouvernement : notre pays leur en fait fournit ainsi tous les trois mois des raisons! Pourquoi pas à juste titre si les bons responsables politiques arrivent aux affaires? En clair, les taux d’intérêt pourraient bien poursuivre leur baisse salutaire, vers un plancher estimé à 3%.
Par ailleurs, les discours des patrons de partis politiques ont un point commun : ils témoignent de la conscience partagée que le chaos ne peut pas durer et qu’il va falloir sans tarder un budget rectificatif. En somme, la probabilité que députés et sénateurs travaillent à marche forcée est considérable et c’est tant mieux. Un trimestre gagné, c’est peut-être le sauvetage de l’appareil de production. Car voilà ce qui se joue. Le temps de la politique, surtout lorsqu’elle s’égarée, n’est pas celui de l’économie. Enfin, est-il imaginable, là où aucune majorité positive ne se dégage sur les grandes lois, comme le financement de la sécurité sociale, qu’elle existe pour le logement? Oui, sans aucun doute. Les mesures phares contenues dans le projet de budget en souffrance au Sénat pourraient rallier les suffrages. Il suffirait que le PTZ élargi, la suppression des droits de succession ou de donation pour favoriser l’achat de logements neufs et l’exonération de la hausse des droits de mutation pour les primo-accédants et les acquéreurs de neuf ainsi que la baisse de 200 millions sur la captation de la réduction du loyer de solidarité auprès des organismes HLM passent pour que le secteur respire. Un accord a minima entre les groupes politiques des deux Chambres est évidemment possible, et cet espoir a du sens: il signifie que la classe politique aujourd’hui porte enfin majoritairement le regard qui convient sur l’enjeu du logement.
Valérie Létard reconduite comme ministre du Logement ?
Au passage, on saluera l’engagement de Valérie Létard : elle aura contribué à construire ce consensus, avec la hauteur de vue d’une femme d’État. Au point que la filière la verrait avec plaisir reconduite dans ses fonctions si le successeur de Michel Barnier en faisait le choix, au sein d’une équipe d’union nationale. Les espoirs, fondés, n’effacent pas la crainte des prochains mois, éprouvants pour les Français et pour les entreprises immobilières, sur fond de désarroi général.